LA PETITE FILLE QUI HABITE DANS UNE ARMOIRE
Notre recréation du mythe de Philomèle et Procné
ÉCRIT PAR ANNA GALISTEO
Résumé
Chaque nuit, Philomèle visite une armoire dans ses cauchemars. Elle parcourt son petit intérieur avec les pieds nus, en palpant le marbre gelé avec les doigts. Le reste de son corps est aussi dévoilé. Sa robe gît sur le sol, à côté de sa culotte, trempée de sueur et de honte.
Un homme l’observe à l’arrière ; il se touche la barbe tandis qu’il examine ses fesses. Elle reconnaît ses lèvres lorsqu’elles touchent sa peau ; son haleine sent encore l’odeur de la célèbre estouffade de sa sœur. Philomèle a encore la nourriture dans la gorge, mais elle a le souffle coupé.
Il récite un poème obscène sur ses jambes, mais elle est trop petite pour le comprendre. En effet, elle a seulement neuf ans et elle est incapable de se réveiller.
LA PETITE FILLE QUI HABITE DANS UNE ARMOIRE
Avant de lire l’histoire, il faut avertir que ce récit aborde des questions sensibles pour certains lecteurs et lectrices. Le récit se concentre sur le viol d’une petite fille aux mains de son beau-frère. Il s’agit d’un abus qui a lieu dans le noyau familial et qui implique un acte pédophile. Le sujet, toutefois, est traité superficiellement à travers des scènes concrètes, des métaphores et des symboles. Cependant, s'il vous plaît, si vous éprouvez des difficultés à lire sur ces questions, je vous conseille d'éviter cette histoire.
RÉFÉRENCES MYTHOLOGIQUES
Cette recréation, s’agissant d’une micronouvelle, contient des références mythologiques qui sont souvent sous forme de symboles. Même si ce récit raconte l’histoire de nombreuses femmes, les allusions au texte d’Ovide parviennent à unir directement les événements de ma nouvelle au mythe original. Dans le document suivant, j’ai décidé d’expliquer ces références mythologiques pour permettre une meilleure compréhension globale.
LE PROCESSUS CRÉATIF
Dans la section suivante, j'expliquerai le chemin que j’ai suivi pour arriver à créer La petite fille qui habite dans une armoire. Cette histoire courte cache un long processus. Avec la chronologie suivante, je veux montrer les événements qui ont marqué l’écriture de mon récit et révéler les moments les plus durs. Effectivement, il faut les connaître pour apprécier pleinement l’histoire.
1.
RELIRE LE MYTHE ORIGINAL ET LES RECRÉATIONS QUE NOUS AVONS RECHERCHÉES
En premier lieu, j’ai relu le résumé que j’avais rédigé directement de Les Métamorphoses d’Ovide sur le mythe de Philomèle et Procné. Puis, j’ai aussi lu de nouveau la partie de recherche que nous avions élaborée sur les diverses recréations du mythe faites tout au long de l’histoire.
Pendant cette étape, j’ai pu distinguer les éléments les plus significatifs de l’histoire et examiner les différentes perspectives des auteurs qui ont choisi ce mythe comme source d’inspiration. De cette manière, j’ai extrait une idée générale du chemin que je voulais suivre avec ma recréation, en m’inspirant de l’œuvre originale et aussi des versions plus récentes.
2.
ESSAYER DE RÉDIGER LA PREMIÈRE VERSION DU RÉCIT
Le sujet que je voulais aborder dans ce récit, le viol de petites filles, était un thème très sensible pour moi. J’avais un grand débat interne : même si je croyais qu’il s’agissait d’une histoire qui méritait véritablement d’être racontée, l’écrire était un processus trop dur pour moi.
La rédaction de cette recréation suscitait des émotions authentiquement affligeantes et violentes. Parfois je regardais le texte que j’étais en train d’écrire avec l’âme silencieuse, et d’autres, je voulais juste hurler de rage.
En conséquence, j’ai commencé à écrire une histoire avec laquelle je me sentais commode, mais qui n’exprimait pas les émotions qui devaient être présentes dans une histoire de ce genre. Je devais refléter l’horreur et l’impuissance, mais sur mon écran, j’avais un brouillon vide de sens.
3.
FAIRE DES RÉUNIONS
Le processus d’écriture de cette histoire a coïncidé avec la quatrième rencontre du TdR avec notre tutrice Dolors Clota, qui a écouté mes plaintes sur la rédaction de cette histoire.
De plus, également au cours de cette semaine, nous avons eu une réunion avec Alicia Moreno, notre correctrice du TdR, et Margarita Moreno, Docteure en Archéologie Classique et Conservatrice du Département d’Antiquités Classiques du Musée National d'Archéologie de Madrid. Avec elles, nous avons parlé de notre projet et de tout ce qui l’entourait. C’était très satisfaisant de pouvoir discuter avec Margarita Moreno, quelqu’un qui a un rapprochement si fort avec la mythologie et qui peut vraiment comprendre l’importance de notre projet.
À un moment donné, quand nous étions en train de parler des recréations que nous avions rédigées, Alicia et Margarita nous ont suggéré l’idée d’écrire l’une des histoires qui manquaient en forme de micronouvelle. Cela m’a fait réfléchir.
4.
RÉENVISAGER MA RECRÉATION
La suggestion d’Alicia et Margarita de rédiger une micronouvelle m’a ouvert les yeux. Bien qu’il s’agissait d’un format que je n’avais jamais utilisé, il m’a soudainement semblé l’option la plus adéquate pour mon récit en tenant compte de la situation dans laquelle je me trouvais.
Les micronouvelles sont souvent utilisées pour exprimer des histoires frappantes de façon concise et étonnante. Le manque de mots souligne l’importance du texte qui est écrit. En plus, les écrivains utilisent fréquemment des symboles dans leurs micronouvelles afin de raconter des événements traumatisants sans devoir les exprimer avec les mots concrets. De cette manière, ils n’ont pas à revivre les incidents.
Finalement, en vue des nombreux avantages, j’ai décidé d’écarter le premier brouillon et de réécrire mon histoire sous la forme de micronouvelle.
5.
PLANIFIER LES ÉLÉMENTS QUE JE VOULAIS Y METTRE
Une étape que j’avais omise au début était la phase préalable ; sûrement pour cela j’ai eu autant de problèmes avec ma première version du récit. Cependant, cette fois, pour ne pas me bloquer avec la rédaction de ma micronouvelle, j’ai décidé de la faire.
Dans cette partie, j’ai noté tous les éléments que je voulais inclure dans ma recréation. D’une partie, je voulais maintenir l’essence du mythe original, en incluant le viol d’une petite fille aux mains de son beau-frère. Toutefois, je voulais ajouter aussi une idée propre au récit : l’insinuation que cet homme viole aussi sa femme, la grande sœur de l’héroïne.
Même s’il s’agit d’un élément qui n’est jamais confirmé dans le mythe original, je crois que le fait de l’inclure montre aussi une autre réalité cachée de notre société. En effet, les viols conjugaux sont aussi une forme de violence sexuelle présente de nos jours. Le fait d’avoir un copain ne suppose pas l’existence d’un consentement prolongé. Cependant, beaucoup de gens ressentent l’obligation d’avoir des relations sexuelles avec leurs partenaires par le fait qu’ils sont en couple.
En outre, dans le contexte de mon histoire, le viol de la petite fille montre que l’homme est capable de violer n’importe quelle femme. Cet incident établit déjà un précédent, donc, ce n’est pas bizarre de penser qu’il ne s’agit pas d’un événement isolé.
6.
M’INSPIRER D’AUTRES MICRONOUVELLES
Comme je n’avais jamais rédigé une micronouvelle, j’ai recherché des microfictions qui pouvaient m’aider dans la rédaction de la mienne. Je suis alors allée à la bibliothèque et j’ai feuilleté des livres qui parlaient du processus d’écriture d’un micronouvelle. En plus, j’ai aussi lu différents récits de ce type qui m’ont beaucoup inspiré, comme La carta de Luis Mateo Díez ou Fantasma de Patricia Esteban Erlés.
7.
RÉDIGER MA RECRÉATION DU MYTHE
C’était enfin le moment de rédiger ma micronouvelle. La rédaction, contrairement au premier essai, a été presque automatique. J’écrivais et écrivais, à peine capable de respirer. En effet, j’avais l’impression que quelqu’un était en train de me dicter ce que j’écrivais. En conséquence, malgré la dureté de l’intrigue, j’ai trouvé l’écriture de ce récit une expérience incroyablement libératrice.
De la même manière, le titre de La petite fille qui habite dans une armoire m’est venu d’un coup. C’est vrai qu’il ne s’agit pas d’un titre très original étant donné le contenu de l’histoire, mais je crois que c’est un titre qui attire l’attention. De plus, il résume excellemment l’intrigue de l’histoire. En outre, l’usage du présent de l’indicatif implique la prolongation du traumatisme de la petite fille jusqu’à aujourd’hui.
8.
TRADUCTION DU TEXTE AUX MAINS D’ALÍCIA ET MARGARITA MORENO
Avec Alícia Moreno, nous avions déjà parlé de la difficulté que pose la traduction à l’inverse, de sorte qu’elle, avec Margarita Moreno, m’ont proposé une possible traduction du récit que j’avais écrit. Les deux ont un contact étroit avec la langue qui leur a permis d’élaborer une traduction très fidèle à l’original. Leur aide a été essentielle.