LE MONSTRE DU MIROIR
Notre recréation du mythe d'Hermaphrodite
ÉCRIT PAR ANNA GALISTEO
Résumé
Un monstre habite dans un appartement délabré de Bodrum. Le monstre se lève, se brosse les dents et il se fait passer pour une personne normale. Le monstre se promène dans ses couloirs, effrayant uniquement les puces qui rôdent dans sa chambre.
Le jour de son anniversaire, le monstre ne reçoit aucune félicitation, seulement l’horrible visite de ses fantômes les plus effrayants. Le monstre croit qu’il le mérite. C’est sa punition pour être une bête intersexuelle.
LE MONSTRE DU MIROIR
Avant de lire l’histoire, il faut avertir que ce récit aborde des questions sensibles pour certains lecteurs et lectrices. Le héros de Le monstre du miroir est un homme intersexuel qui, à cause de l’isolement qu’il a supporté tout au long de sa vie et des brimades qu’il a subies pendant ses années de scolarité, souffre de différents troubles mentaux, parmi lesquels se distinguent la dépression et des épisodes d’hallucinations. Le personnage principal a donc une très faible estime de soi et il se dénigre lui-même quotidiennement. S'il vous plaît, si vous éprouvez des difficultés à lire sur ces questions, je vous conseille d'éviter cette histoire.
RÉFÉRENCES MYTHOLOGIQUES
Ce récit, Le monstre du miroir, contient différentes allusions à la mythologie grecque. J’ai décidé de les inclure afin d’unir plus étroitement le mythe original à mon récit. Il est possible que certaines de ces allusions soient passées sous silence ; pour cette raison, j’ai décidé de les expliquer dans le document suivant.
LE PROCESSUS CRÉATIF
Dans la section suivante, j'expliquerai le chemin que j’ai suivi pour arriver à créer Le monstre du miroir. Ce récit cache un processus complexe, qui a connu un parcours plein d’obstacles et de nouvelles connaissances. Selon moi, cette phase préalable est aussi importante que le propre récit, et pour cette raison, je trouve que la montrer est vraiment indispensable.
1.
RELIRE LE MYTHE ORIGINAL ET LES RECRÉATIONS QUE NOUS AVONS RECHERCHÉES
Premièrement, j’ai dû relire le mythe d'Hermaphrodite directement de Les Métamorphoses d’Ovide afin de rappeler complètement l’histoire. Ensuite, j’ai aussi relu la section des recréations du mythe d’Hermaphrodite de la partie théorique de notre TdR pour analyser quels éléments ont été les plus reproduits parmi les artistes et avoir de cette manière une idée générale des items que je pouvais inclure dans mon récit.
2.
PLANIFIER LES IDÉES QUE JE VOULAIS TRANSMETTRE
Après m’avoir inspiré par le mythe original et les différentes recréations faites à partir du mythe d’Hermaphrodite, j’étais dans un moment de créativité fervente. En conséquence, j’ai noté et justifié les éléments que je voulais mettre dans mon récit. Je croyais qu’écrire ces points allait m’aider à rédiger l’histoire plus tard, car j’aurais déjà une liste d’idées et d’orientations que je pourrais suivre.
Dans cette partie, j’ai concrétisé l’approche que je voulais apporter à l’histoire. Dans le cas de la recréation d’Hermaphrodite, j’ai décidé de proposer une nouvelle conception du mythe, d’apporter une version complètement différente aux autres : mon récit serait une étude du héros ; un portrait de son comportement, de sa perception et de ses idées. Mon histoire partirait de la naissance du héros à partir du viol de sa mère, en représentation du viol d’Hermaphrodite aux mains de Salmacis, et elle suivrait l’homme intersexuel qui est formé à la suite de cela. C’est une manière d’envisager la vie du personnage d’Hermaphrodite après le viol du mythe original, mais en l’adaptant au monde actuel.
J’ai pris cette décision après avoir vu les différentes recréations qui étaient basées sur le mythe d’Hermaphrodite. Elles n’étaient pas centrées sur le développement du mythe et les événements qui se passent dans le lac. Par contre, elles se concentrent sur la psychologie du héros, un personnage intersexuel qui a dû affronter de véritables monstruosités.
De plus, j’ai aussi noté d’autres éléments que je voulais inclure.
3.
FAIRE DES LISTES
Dans les cours de latin, notre professeure et tutrice du TdR, Dolors Clota, nous a proposé et montré des différentes techniques pour puiser l’inspiration. Une de ces propositions était de faire des listes.
Comme je voulais partiellement m’axer sur la description pour montrer la vie quotidienne déprimante du personnage principal, je savais que je devais inclure des éléments propres à la typologie textuelle descriptive comme, par exemple, des comparaisons. C’est pour cette raison que j’ai fait trois listes : les choses qui me surprennent, les choses qui m’exaspèrent et les choses qui m’attristent. Je trouvais que je pouvais utiliser certains de ces éléments pour faire des comparaisons qui pouvaient être incluses dans mon histoire.
4.
CONSULTER LE RODAMOTS
Un autre outil que j’ai utilisé pour m’inspirer a été le site du RodaMots, aussi découvert par notre tutrice du TdR. Il s’agit d’un site qui publie des mots et des expressions idiomatiques chaque jour, avec sa définition et son exemple correspondant, afin de rapprocher davantage les gens à certains mots qui ne sont pas trop connus.
Cela m’a permis d’enrichir mon lexique et d'améliorer mes textes avec de nouvelles idées fruit de la découverte de ces mots.
5.
COMMENCER À ÉCRIRE
Après avoir fini la phase préalable, j’ai commencé à écrire ma nouvelle. Dans le cas de cette recréation en particulier, le processus a été un peu bizarre.
Comme j’ai déjà dit, il s’agissait d’une étude du personnage principal et de ses pensées les plus intimes et internes. J’écrivais des phrases et des paragraphes qui me venaient à l’esprit, et en conséquence, il y avait de nombreuses lacunes entre les différents fragments de mon récit. En tant que écrivaine, je connaissais les sentiments qu’éprouvait le héros, mais je trouvais difficile d’unir ces points pour former une histoire.
6.
BLOCAGE D’ÉCRIVAINE
C’est à ce moment-là que j’ai souffert d’un blocage d’écrivaine : le terrible cauchemar d’affronter une page majoritairement vide. Je ne savais pas comment inclure les idées que j’avais notées au début du processus et je ressentais une énorme pression à l’idée d’écrire sur un sujet aussi sensible comme celui des problèmes mentaux que souffrent les personnes intersexuelles en raison de l’isolement et des traumatismes. C’est pourquoi, j’ai passé un mois sans toucher le document, attendant le moment d’avancer.
7.
PARLER AVEC DOLORS, NOTRE TUTRICE DU TDR
Alors, nous avons convenu d’un rendez-vous avec Dolors. Je lui ai expliqué mes inquiétudes et mes problèmes en relation à l’histoire et elle m’a proposé de contacter un collectif ou une personne experte sur le sujet qui puisse m’aider à parler de l’intersexualité avec conscience. J’avais besoin de connaître la réalité des intersexuels de première main pour parler avec un vrai sens.
8.
PARLER AVEC BERNAT, UN AMI ET CONNAISSEUR DE LA CAUSE LGBTIQ+
Dolors avait parlé avec un autre de ses élèves, Bernat, de notre projet et des complications qui avaient surgi en raison de la méconnaissance et de l’angoisse d’avoir à écrire dans la perspective d’une personne intersexuelle sans avoir une notion préalable. Alors, elle m’a recommandé de le commenter avec lui, et c’est ce que j’ai fait.
Je l’ai contacté et je lui ai expliqué mes inquiétudes. Je ne voulais pas parler de l’intersexualité sans connaître le sujet à cause de la fragilité qui entoure le thème et du respect que je lui devais. J’avais peur de rédiger mon récit dans une perspective erronée ou forcée. De plus, je lui ai demandé s’il y avait quelqu’un d’intersexuel dans l’association LGBTQ+ de notre ville, mais malheureusement, il n’y avait personne. Cependant, il m’a rassurée. Une connaissance préalable sur ce type de sujets est essentielle, mais je devais garder à l’esprit que j’écrivais cette histoire avec toutes les bonnes intentions et que l’important était de communiquer sur la base du respect. Puis, il m’a envoyé deux vidéos qui parlaient du thème et qui pouvaient m’aider à m’informer un peu plus. Son aide a été essentielle.
9.
REGARDER DES VIDÉOS ET M’INFORMER
Une des vidéos que Bernat m’avait envoyées était un entretien à Gabriel J. Martin dans le canal de YouTube de Platanomelón. Gabriel est un homme intersexuel qui avait été classé comme une fille quand il était petit en raison de sa sous-virilisation, qui avait réduit la taille de son pénis jusqu’à le faire semblant à un clitoris.
Il s'est toujours senti comme un homme, et pendant son adolescence, il a souffert des changements dans son corps qui indiquaient une anatomie masculine. En conséquence de son intersexualité, il a subi des épisodes de harcèlement aussi bien dans sa vie scolaire que dans sa vie adulte. Cela lui a entraîné de nombreux problèmes psychologiques qui lui ont causé des insécurités dans tous les domaines de son quotidien.
Cette vidéo et une recherche externe que j’ai faite sur le sujet, en regardant d’autres vidéos du même homme et en lisant des articles qui abordaient le thème, ont augmenté ma perspective sur l’intersexualité dans une large mesure. Connaître l’expérience intersexuelle à la vision d’un homme qui a dû vivre avec elle m’a donné beaucoup de confiance en moi. Ses expériences et son témoignage m’ont beaucoup inspiré ; sa voix a suscité ma créativité.
10.
FINIR LA RECRÉATION
Après tout ce processus, caractérisé par la peur mais aussi par la découverte, j’étais finalement prête à terminer mon récit. L’information que j’avais récemment acquise m’a aidé à remplir les blancs de mon histoire, à fournir le héros d’un fond réel inspiré dans le témoignage de tous les intersexuels qui se sont sentis comme des monstres par le manque d'acceptation.
À la fin, dans cette phase, j’ai décidé de ne pas inclure certains des éléments que j’avais concrétisés pendant l’étape de la phase préalable. Au début, j’avais prévu d’avoir une héroïne au lieu d’un héros, mais le fait d’utiliser la figure et l’histoire de Gabriel J. Martin comme source d’inspiration m’a fait changer le genre de mon personnage principal. Cela impliquait également renoncer au contexte des amputations non consenties que j’avais programmé pour mon personnage principal. C’est vrai que montrer cette réalité cachée était important pour moi, mais afin de faire avancer le récit, je devais faire le sacrifice d’abandonner cette intrigue.
11.
RÉVISER ET CORRIGER LE RÉCIT
Ensuite, j’ai révisé mon récit avec plusieurs personnes, y compris ma tutrice, et je suis arrivée à la version définitive de mon histoire. Pendant la phase de révision et de correction, j’ai ajouté d’autres éléments grâce aux conseils des différents lecteurs et cela a fourni mon récit d’idées externes qui ont enrichi l’histoire.
12.
TRADUIRE L’ÉCRIT
Puis, j’ai traduit l’histoire. Comme il s’agissait d’un texte avec beaucoup de descriptions et adjectifs, il était parfois difficile de trouver des mots qui soient conformes à la scène que je voulais représenter. C’était aussi un processus étouffant, car la traduction que j’étais en train de faire me semblait un peu robotique et impersonnelle. Toutefois, finalement, avec l’aide d’Alicia Moreno, notre correctrice du TdR, et Margarita Moreno, une docteure et conservatrice spécialisée dans le monde classique, nous avons réussi à créer une traduction beaucoup plus littéraire que celle que j’avais fait initialement.
13.
TROUVER UN TITRE POUR L’HISTOIRE
Finalement, je suis arrivée au moment final : le choix du titre. C’est toujours une des parties les plus difficiles pour moi et j’ai dû demander de l’aide afin de trouver un titre adéquat. À la fin, j’ai choisi de refléter l’importance d’une des scènes les plus importantes du récit : celle qui montre comment le héros se sent un monstre quand il se regarde dans le miroir en raison de son passé traumatisant et de sa condition de personne intersexuelle. En conséquence, j’ai intitulé mon histoire “Le monstre du miroir”.